Par temps de doute et d’immobile silence

couv_par temps de doute2Editeur : Acoria

Date de publication : 17 mai 2013

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couv_par temps de douteEditeur Numérique : Arghos

Date de publication : 2012

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Extraits

Tu t’étires comme un long serpent
De pur métal entre bronze et verdure
Les chameliers saouls de désert et de vents
Viennent s’agenouiller à l’ombre de tes lèvres
Et tu coules entre leurs doigts dans les herbes
Abreuvant la barbe les cheveux et les yeux
Avant que ne retentisse l’appel à la prière
Tombant du haut d’un minaret de tchador bleu

Ô Nil
Je viens vers toi
Comme en pèlerinage aux sources des origines
On me dit : les Ancêtres sont partis des bords de tes rives
Des royaumes de Koush de Napa et de Méroé
Fuyant les pâturages que le sel brûle
Fuyant le feu du Sahara inexorable et cruel

Je viens vers toi
Pour plonger dans tes coulées profondes
Pour me noyer au plus profond de ton ventre
Ô Nil

Ô Nil
Voici Louqsor joyau de pierres nobles
Les pluies de myosotis et d’euphorbes mauves
Caressent la fraîcheur de tes flancs

Voici le temple de Karnak paré à la saison propice
Temple d’Amon-Rê en la fertile présence de Mout
La déesse la mère vénérée l’épouse incomparable
Gravir les marches et toucher de mes mains les colonnes millénaires
Entendre les pierres résonner des échos des splendeurs d’antan

Ce soir je viens vers toi fleuve
Baigner dans tes entrailles pour renaître
Dans le silence de la nuit profonde
Nous avons tant de choses à nous dire

Convoque je t’en prie les pharaons et les reines
Les princes et les princesses et autres dignitaires
Cinq mille ans d’histoire ce n’est pas rien
Qu’ils viennent à nous tous les Ramsès
Jusqu’au onzième du nom
Qu’ils viennent tous les Aménophis
Et d’autres encore dont j’ignore le nom

A la déchirure des ténèbres une voix d’outre-tombe
Une voix venue de partout et de nulle part
Une voix vêtue d’obscur et d’Au-delà
Résonne au milieu des joncs et des roseaux

« Écoute ma parole
Allume toutes les couleurs de ton cœur
Et contemple le vol du passereau au lever du soleil
Le chemin conduit à la croisée des routes
Le vrai chemin mène vers soi
Flux et reflux toujours la saison des métamorphoses
Toujours la saison des métamorphoses ».


Ô fleuve-mère
Je le sais
Le voyage est un retour à l’essentiel
Je le sais
Chaque jour est à lui seul une vie
Je marche infatigable du matin au soir
Sur les routes qui mènent à toi
Ils courent sur tes rives joyeuses
Des gamins séraphins aux visages purs
Clapotant dans tes eaux sous le soleil ardent
D’Assouan à Abou- Simbel
D’Edfou à Nag- Hammadi
Et
Moi
Voyageur
Sur les sentiers du pèlerinage
Je viens dormir près de toi
Pour me laisser bercer par tes refrains
Au rythme des sistres et des tambourins
Comme autrefois à la saison des semailles

Je voudrais t’entendre chanter
Que tes mélodies s’envolent comme des colombes
Dans la nuit de silence et d’étoiles éclatantes
Et que les danseuses les cymbales les cithares explosent

Les palombes par centaines valsent au-dessus des palétuviers

En bordure de l’onde dansent à l’envi
Les cyclamens et les perséas de Thébaïde
Frémissent les caïlcédrats et les eucalyptus
Et puis passent et repassent les graciles danaïdes
Qui se balancent comme en un bain de jouvence
Avant que les hautes eaux coulent vers la soif des terres chaudes

Les mères donnent aux frêles nourrissons
Comme on offre un sein fervent
La coupe d’argent pleine de l’eau nouvelle
Eau de vie purifiant le cœur et l’âme enfantine
Eau féconde irradiant les sentiers du corps
Eau du Nil
En cette saison de fleuve haut
Belle eau

Et
Moi
Voyageur
Vers quel mont vers quel sanctuaire
Vers quel orient diriger mes pas
Sinon venir près de tes flancs
Fleuve des origines fleuve-mère
Qui d’autre pourrait me révéler ma Vérité
Pourquoi ce destin sombre ce destin mien
Dans son habit de malheurs et d’opprobres
Camisole sur un passé de galères et de chaînes
O Nil
Maintenant je pleure en marchant sur tes rives
Abandonné perdu dans mes noires rêveries
Que me dis-tu dans les songes de profond sommeil
Avec ta voix sourde venue des profondeurs

« …Sous la cendre couvent les dernières braises
L’espoir couve sous la cendre »

Que veux-tu me dire fleuve-mère ?
Déjà tu te lances dans une coulée de mots
Qui m’envahissent et me submergent

« …Peut-être qu’un matin, pourquoi pas ce matin-ci
un coq debout sur ses ergots lancera son chant
pour déplorer le silence des étoiles. Et le vent en rafales
dispersera les messages des temps immémoriaux
N’oublie pas les mots du proverbe
Nul ne connaît l’histoire de la prochaine aurore »

Toi
Voyageur
Qui aux bords de mes eaux
Interroge le destin
Écoute ma parole

Quitte la mangrove des lamentations et des résignations
Sors de l’épaisse forêt qui t’obscurcit l’horizon
Et puis monte sur les épaules des Ancêtres pour voir plus loin
Renais aux temps premiers comme en un nouveau printemps
Et nourris-toi de sèves anciennes toujours nouvelles

Monte sur les épaules des Ancêtres monte
Tu découvriras ce que cache le soleil qui se couche
De l’autre côté de la montagne de l’autre côté de l’horizon

Toi
Voyageur
A la recherche de la Vérité
Écoute ma parole une fois dernière
« Viens dans la fraîcheur de l’aube
Contempler le frémissement du vent
Ferme les yeux sur ton passé
Et marche au bord de l’eau qui exalte la vie

Écoute ma parole comme un dernier oracle
Voyageur à la recherche de la Vérité
Maintenant regarde devant toi
De l’autre côté de la berge
Au milieu des nappes de brumes
Cela ressemble à un lys
Ce n’est pas un lys – frêle et svelte
Cela ressemble à une rose
Ce n’est pas une rose – tige longue fleur unique
Cela ressemble à une ombre d’eau qui frissonne
Cela ressemble à une silhouette qui flotte
On dirait un voile encadrant un visage
On dirait le vent dénudant une odalisque
On dirait une apparition dans la lueur de l’aube
On dirait…
Une FEMME
Et maintenant va à sa rencontre va !
Une vraie rencontre est un destin ».