Requiem Pour Un Pays Assassiné

Editeur : L’Harmattan

Date de publication : 1999 (Français) – 2008 (Français/Anglais)

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Extraits

Il était un pays
On ne sait
Par quel bout le prendre
Rien à faire
Seulement
Gueuler l’éclat de la blessure
Casser le miroir
Dans les yeux des autres
Fuir l’intouchable image
D’une vérité des jours ordinaires


Comme un enclos
Repaire où dort
L’indigence sur le dos de la pauvreté
Comme une barrière
Une frontière perdue

D’un côté la mer
De l’autre une terre
L’indigence marche au bras de la pauvreté

C’est une démarcation
C’est l’enfer
On n’y peut rien

La sueur brûle
Sur les sentiers du regard
A vif


Dire le pays
Au loin très loin
Au milieu de la faim
Au milieu de la soif

Crier la chose
Enfouie-là au plus profond
De la révolte
Au plus profond de la colère
Au mitan du désespoir

Ou bien
Déposer le lourd fardeau
Et attendre qu’enfin
Un nouveau soleil se lève

Ou bien
Rêver d’un chambardement d’astres
De météores de galaxies assassines
Et s’enfuir
Jusqu’à presque rien
Là-bas
Au toucher de l’horizon


Au commencement
Était un pays sous les Tropiques
Un pays qui se couche
Comme une insulte tombée du ciel
Un pays qui s’étale aussi
Comme une peau
tirée à bout de souffle
Un pays qui se dresse parfois
Comme un poing jailli de l’océan


Je ne vous parle pas d’un pays
Né de songes et de chimères
Je vous parle d’une terre
De résistance et de boue
Avec d’éphémères palais pétris
De sang et de larmes
Avec le feu du Ciel
Un dur soleil
Sur la tête
des matins calmes.


Je vous parle d’un pays réel
D’un pays pluriel avec ses multitudes
Ses ethnies comme des nations éternelles
Ses collines ses mornes ses forêts
Comme un mystère
Comme un au-delà
à portée du regard
Comme un au-delà
à portée du rêve


Je vous parle d’un pays
Petit
Sans envergure et sans panache
Avec des millions de bouches.
Des millions de bouches
Qui racontent le désespoir
Et l’amertume des saisons
Des millions de bouches
Qui crient qui rient qui pleurent
On ne sait jamais pourquoi.


Je vous parle d’un pays
Petit
Sans envergure et sans panache
Avec ses légions faméliques
Rivées à cette terre
Et qui ne savent où aller
Si ce n’est de rester là
Sur cette terre
Parce que les Ancêtres sont restés
Parce que les Ancêtres sont là
sous la terre

Et au jour d’aujourd’hui
Aller où ?
Partout des molosses des miradors
Partout des permis de séjour qui
ressemblent à des permis d’inhumer

Aller où ? Si ce n’est
De rester là sur leur terre
Parce que les Ancêtres sont restés
Parce que les Ancêtres sont là
Sous la terre.


C’est un pays de manœuvres
Flirtant sur la crête des grues
Élevant des mausolées de pierres
Bâtissant à pleine main
Des maisons des esplanades des prisons.
Narguant la lourdeur du soleil
et des briques. Hommes de
ciment et de chaux courbant l’échine sous les sacs et la faim du ventre. Hommes blanchis de poussières et de misère foulant la terre de latérite comme une certitude. Pour se convaincre qu’ils sont toujours debout. Puisque leurs pieds ont la couleur de la terre qui les portent du soir au matin.