Le crépuscule des métamorphoses

Editeur : Acoria

Date de publication : 2014

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EXTRAITS

Chemins initiatiques

Tes âges sur le parcours et les aléas du destin
Sont parsemés de bornes comme des étapes
Et funambule tu avances seul de rite en rite
Par les passages obscurs par les itinéraires obligés

Homme – apprenti en devenir de savoir être
Tu marches inlassable sur des routes aveugles
A la recherche d’un authentique message

Sur tes épaules le poids des désirs et des forfaits
Pendant que tu foules aux pieds la routine ennui
Les herbes folles du doute et les augures perplexes

Tu voudrais en finir avec ta peau de vieil homme
A l’instar du serpent tu ne sais comment muer
En neuve apparence éclats de couleurs et de lumière

Tes âges sur le parcours et les aléas du destin
Sont parsemés de bornes comme des étapes
Et funambule tu avances seul de rite en rite
Par les passages obscurs par les itinéraires obligés

Homme-étudiant en devenir de savoir comprendre
Ouvrier maniant les outils pour enfin savoir agir
Artisan aux mains habiles découvrant un savoir faire

Malgré les épreuves les intempéries les luttes
Homme de pensées libres et de belles manières
Tu chemines dans les méditations et les énigmes
A la rencontre de la terre et de l’eau des origines
A la rencontre de l’air et du feu des régénérescences

De voyage en voyage te voici au bout du chemin
Dépose ta besace et les oripeaux de la mal-saison
Tu peux prendre place à ton poste de garde

Tu es veilleur en faction au milieu de la nuit
En attente d’une prochaine espérance

Voici venir l’aurore
Et la promesse de circonstances fabuleuses


J’irai boire le feu

Derrière l’écran noir des fumées d’usines
Je monterai sur la longue échelle
Pour allumer le soleil.
Et j’irai boire le feu
Avant la traversée des catacombes
Pourquoi passer des heures à coudre
les souvenirs d’autrefois
Et sentir dans sa gorge comme des nœuds
à la queue-leu-leu
Qu’il faudrait avaler. Et puis s’étouffer ?
J’irai
Moudre les paroles arides
Comme le sel
Comme le sable
J’irai moudre les lourdes mémoires d’entraves
Et attendre que vienne enfin dans ma nuit
Une indicible clarté
Comme une aube qui effleure le bord du jour.


Homme liquide

Je ne dévoile pas ma nudité
Je n’ai rien à cacher je raconte
Les miroirs de ma demeure ont de multiples fractures
Mon visage se disloque aux quatre vents
Et le corps tout entier fait craquer ses jointures
Il a servi les passions et les rêves éphémères
Il a voyagé par les noirs chemins des lendemains incertains

Je ne dévoile pas ma nudité
Je n’ai rien à cacher je raconte
Comme un torrent dans sa course folle je m’agite
Loin des ruts des printemps fugaces loin de la foule
Je navigue au milieu des rochers des écueils
Je perds le nord tout se casse je me fracasse
Je perds la face et lentement je glisse liquide
Dans les eaux lasses des regrets des repentirs
Avec aux lèvres un goût de sel un goût de fiel
Je ne dévoile pas ma nudité
Je n’ai rien à cacher je raconte
Je me dissous dans la vague ordinaire du jour
J’ai peur des eaux boueuses et des ordures
Je voudrais sortir des inquiétudes rebelles
Je voudrais être un homme liquide
Quand tout éclate contre le mur de leur indifférence
Homme liquide comme un torrent dans sa course folle
Je ne dévoile pas ma nudité
Je n’ai rien à cacher je raconte


La peur

La peur
Sous le manteau
A l’abri des regards
Enfouie dans les entrailles
Rampe dans les ruelles du corps

La peur mémoire
Comme un serpent qui lèche les plaies du passé
Et se souvient de Nagasaki
D’Hiroshima
Il faut fuir Tchernobyl les pustules les gangrènes
La terre a tremblé à Fukushima en tsunami d’irradiations

La peur ordinaire
Voyou au couteau assassin dans le métro
Grand barbu à l’œil noir sous le keffieh
Une pierre qui tombe d’un échafaudage
On l’a échappé belle on aurait pu la prendre
Sur la tête
La peur intime
Enfermée dans le silence pudique
D’un amour perdu au bout du chagrin
Le vide du jour présent où flotte votre être
Plus léger qu’une plume d’étourneau

La peur de l’avenir
Tout va à vau- l’eau il n’y a pas de boulot
Les enfants ? Que vont devenir les enfants
Tous les journaux disent : finie la manne
Il n’y en a que pour l’Allemagne et consort
Est-il encore possible de sortir la tête hors de l’eau ?

La peur de tout et de rien
De la mort cette fin de parcours inéluctable
De la vie avec ses mouvements imprévisibles
De l’accident qui guette au coin de la rue
D’un mal de ventre banal : et si c’était un cancer ?

N’ayez pas peur disait-il
Tant de merveilles vous entourent
Et quoi de plus beau que le soleil
Si le temps vire à l’enfer continuez d’avancer
Cueillez les fleurs et le miracle de l’instant
Laissez-vous aller dans le mystère des choses
N’ayez pas peur disait-il


Il aurait voulu lui offrir des fleurs

Il aurait voulu lui offrir des fleurs
Des hibiscus mauves et des orchidées
Des violettes perlées de fines rosées

Il aurait voulu lui offrir des fleurs
Des impatientes jaunes et blanches
Des jacinthes d’eau et des pervenches

Il aurait voulu lui offrir des fleurs
Des alpinias rouges et des bégonias
Des amaryllis roses et des saintpaulias

L’homme s’approcha de la femme
Et lentement à voix basse murmura
« Je suis le Petit Prince
Je voudrais vous offrir des étoiles »

Ce fut un coup de foudre
Un coup d’amour un coup d’éclair
Un fracas dans le cœur
L’homme debout perdu dans le paradis bleu
De ce visage le regard de l’Étrangère


La maison familiale

La maison
Avec ses souvenirs
Cachés au fond du cœur
Et de la mémoire
Depuis des années et des années
Auparavant.

Le père maintenant
Dans l’hiver de l’âge
Marche à pas tremblotants
Et la femme à ses côtés
La mère vieillissante
Vieillissante.

La maison
Avec les moisissures du temps
Ses odeurs les tisanes
Aux mêmes heures
Les regards et les gestes sans visage
La maison aussi qui prend de l’âge
Les paroles le long des murs
Entre deux portes
Des éclats de voix qui s’éteignent
Au fil de l’inutilité des choses
Comme des loupiotes évanescentes.

La maison
Avec ses rides et ses lézardes
Le temps qui guette
Qui s’écoule inexorablement
Comme un fleuve fatigué.
La mère un peu plus vieille
D’un instant à l’autre
Entre deux soupirs.
Dans son fauteuil balançoire
Elle parle au chat couché sur ses genoux.
Elle raconte cent fois des histoires
Que le chat connaît déjà.

La maison
Les années bleues les années roses
C’étaient naguère
Des cris d’enfants des jeux fracassants
Des fenêtres qui claquaient à double battant
Le petit chien aux trousses jappant aboyant.
La vie éclaboussait de toutes parts.
Une jeune femme devant la porte
Dans sa robe de printemps
Frappait des mains et criait : Doucement les enfants !
Elle frappait des mains comme un cœur qui bat
C’était autrefois
Dans les habits en fleurs de sa jeunesse.
La maison
Par ces temps qui courent
Les journées lentes et tristes le silence
Le père et la mère
Dans l’agonie des réminiscences
Deux chaises côte à côte
Au soleil du jour qui décline.
Déjà peut-être
Deux éternités
Côte à côte
Au crépuscule qui lentement enveloppe.


C’est la vie

Ca commence comme une caresse
Ca finit comme un couperet
Ca vient comme une acclamation
Ca finit comme une désolation
Ca vous pénètre comme une aiguille
Ca irradie comme une ivresse

Ca va
Ca vient
Au petit bonheur du jour
Pendule balancier
Imperturbable sablier
Aujourd’hui envol de grains de riz
Demain coulées de larmes amères

Ca va
Ca vient
Au petit bonheur la joie
Au petit malheur le deuil
Et ça s’incruste dans la peau
Au plus tendre de la chair
Et ça trace sur les chemins du pèlerinage
Des labyrinthes de blessures et de cicatrices
Et ça blanchit au niveau du cortex
Et ça s’accumule sur le vertex
Et ça s’arcboute sur des cannes de bois
Ca plie encore mais ne rompt pas

Ca va
Ca vient
L’automne et puis l’hiver
On n’y peut rien

Ca va
Ca vient
Berceau et puis tombeau
On dit que c’est la vie.


Mandela
L’arc-en-ciel

Apartheid no! Apartheid no!
One man one vote! One man one vote!

On l’appelait Rolihlahla Mandela
Homme des tempêtes né dans l’ouragan de l’Histoire
On l’appelait Madiba Mandela
Homme de courage habillé de fierté et de patience
On l’appelait Dalibunga Mandela
Homme dont la tête porte une couronne de soleil.

Premier Noir en habit d’avocat à Johannesburg
Il était de tous les combats il était sur tous les fronts.
Tour à tour Mahatma Gandhi ou Martin Luther King

Apartheid no! Apartheid no!
One man one vote! One man one vote !

Nul doute qu’il dérangeait. On le jeta en prison.
Il devint matricule 46664 sous la férule et les injures
Dans les mines de chaux dans les carrières de pierre
Condamné aux travaux forcés blanchi dans la poussière.
Qu’importe ! N’est-il pas homme de courage et de fierté ?
Qu’importe ! Même si cela devait durer vingt-sept années.

Apartheid no! Apartheid no!
One man one vote! One man one vote !

Nul ne peut arrêter la marche inéluctable de l’Histoire
Voici en ce jour mémorable Mandela et Frederik de Klerk
Main blanche main noire unies dans l’espoir et la dignité
Deux regards tournés vers les rêves de la prochaine aurore.

Nul ne peut arrêter la marche implacable du destin
Voici l’enfant de Mvezo Commandeur de haut lignage
Vieux sage guide d’un peuple multitude et pluriel
Porteur des mots qui disent la réconciliation et le pardon
La voix du griot chantant la paix et la fraternité du partage

Nelson Mandela
Rolihlahla Mandela
Madiba Mandela
Dalibunga Mandela

E n ce dimanche quinze décembre deux mille treize
Au moment où le soleil brille de mille éclats au zénith
Les princes d’Orient et d’Occident t’accompagnent.
Ils regardent le vide que tu laisses derrière toi.
Ils acclament ton action et les chemins arides.
Ils pleurent des larmes sur la mort de ton sourire.

Ô Mandela
C’est la fin du parcours la fin de la longue marche.
Dors en paix au milieu des collines de ton enfance
Dors en paix dans le silence du ciel et des étoiles
Ô berger incomparable
Tu as mené le troupeau jusqu’à l’arc-en-ciel !
Qu’une pluie de bénédictions tombe sur ton linceul !
Nelson Mandela
Rolihlahla Mandela
Madiba Mandela
Dalibunga Mandela


Ma parole

Laisse-moi dire ma parole
Laisse-moi dire ma vérité
Tu ne peux pas me réduire au silence

Tu peux brûler ma maison
Et jusqu’au dernier vêtement
Tu peux brûler mes champs
Et même la prochaine moisson
Tu ne peux pas me réduire au silence

Tu peux m’écraser sous tes bottes
M’enfermer dans le noir d’un cachot
Tu peux me jeter dans un asile d’aliénés
M’abandonner dans un camp barbelé
Tu ne peux pas me réduire au silence

Tu peux me déporter de goulag en goulag
M’embarquer d’archipel en archipel
Tu peux prétexter de ton dieu de ta religion
Pour inventer la barbarie et les Sibéries
Tu ne peux pas me réduire au silence

Tu peux me traîner dans une boue de mensonges
Ordonner les tortures et les lapidations
Tu peux fomenter les complots et les pogroms
Signer de ta main le décret de ma déportation
Tu ne peux pas me réduire au silence

Je ne sais qui tu es tyran ou assassin
Commandant suprême ou Ayatollah
Inquisiteur ou sanguinaire potentat
Tu étouffes les idées pour tuer le Verbe
Tu étouffes les idées pour tuer le Verbe
Laisse-moi dire ma parole
Laisse-moi dire ma vérité
Tu ne peux pas me réduire au silence


Je te dessinerai un rêve

Je te dessinerai un rêve
Dans la grenade mûre de tes lèvres
Je te dessinerai un rêve
Dans le galbe tendre de tes seins
Je te dessinerai un rêve
Dans la cascade cristalline de ton rire
Je te dessinerai un rêve
Dans le vent étourdi sous la robe
Je te dessinerai un rêve
Dans l’obscurité de tes hanches
Je te dessinerai un rêve
Dans le duvet frileux du triangle
Je te dessinerai un rêve
Dans l’abandon de ta peau qui frissonne
Je te dessinerai un rêve
Avant que ton corps épouse la nuit rouge